jeudi 28 mars 2013

Histoire de la cuisine française

Manger est un besoin vital pour équilibrer notre métabolisme qui amène à la nécessité de chercher la nourriture, l’homme doit s’organiser en groupe social pour réaliser cette quête.
Manger est également un plaisir et l’homme invente des préparations qui regroupent les sensations les plus agréables de ses cinq sens. L’homme partage son repas avec d’autres, ce qui invite entre deux bouchées, au plaisir supplémentaire de l’échange et de la parole.
Dans l’antiquité, l’homme parlait de banquet et c’était également l’occasion de l’exercice d’un culte. On y honore les dieux par des offrandes et des cérémonies rituelles, il en est de même pour les Celtes et pour leurs ascendants qui construisaient des dolmens sur lesquels étaient dressés des plats destinés  aux dieux.
Au Moyen âge, cette pratique reste vivace notamment en remerciant Dieu pour la nourriture qu’il leur donne, à ceci s’ajoute l’occasion pour les nobles et bourgeois de faire montre de leur richesse par des rituels protocolaires les mets sont disposés dans des ecuelles, chaque invité apporte son couteau pour piquer la viande prédécoupée, les convives s’y servent avec les doigts. L’ensemble des plats étaient disposés sur la table, nul besoin donc d’écrire un menu.
Les traités de cuisine nous permettent d’appréhender l’histoire sous l’angle de la connaissance humaine et sociétale. Deux grands livres perpétuent la tradition et donc la connaissance de l’ère médiévale, il s’agit du Ménagier de Paris ou traité de morale et d’économie domestique composé vers 1393 par un bourgeois parisien présenté par le baron Jérôme Pichon. Et Le Viandier de Guillaume Tirel dit Taillevent, c’est la première célébrité de la gastronomie qui préfigure une longue série de chefs qui associent la théorie à la pratique. Le Viandier s’intéresse beaucoup aux sauces mais l’homme médiéval se contentait d’une cuisine fort épicée qui dénature les goûts. Guillaume Tirel est né à Pont-Audemer dans l’Eure en 1310, il est écuyer de cuisine de Charles V puis de Charles VI qui l’anoblit en 1392 pour devenir le Maistre des garnisons de cuisine du roi. Il est enterré à Saint-Germain-en-Laye. François Villon écrit « Si allé veoir en Taillevent Au chapitre de fricassure. »
A partir du quinzième siècle, sous l’influence de la cour de Bourgogne, le repas substitue l’exercice d’un culte au spectacle d’un roi s’y adonnant.
Au seixième siècle, le repas peut comprendre entre trois et douze sevices. Les plats sont posés d’avance, retirés tous ensemble et remplacés par une autre série. Les convives se servent de ce qui est disposé à portée de bras. Entre les services, des entremets dressés de façon grandiloquente, c’est le service à la Francaise.En 1532,dans le Gargantua de Rabelais, pour ne pas oublier le vin, un dicton : 
Lever matin n’est pas bonheur ;
Boire matin est bien meilleur.
A la fin du seixiéme siécle, sous l’influence de Byzance et de l’Italie par Catherine de Médicis, la fourchette est introduite à la cour de France, la reine par la venue de cuisiniers italiens améne le raffinement dans l’art de la table francais. En plus du spectacle, se pétalent alors des saveurs délicates et des odeurs nuancées.
Comment ne pas évoquer pour le dix-septième siècle le personnage devenu mythique grâce au film de Rolland Joffé interprété par Gérard Depardieu en l’an 2000, François Vatel. Entre rumeur et réalité, Madame de Sévigné dans une lettre à sa fille Madame de Grignan le situe dans sa vérité historique.
Mais voici ce que j’apprends en entrant ici, dont je ne puis me remettre, et qui fait que je ne sais plus ce que je vous mande : C’est qu’enfin Vatel, le grand Vatel, maître d’hôtel de Monsieur Fouquet, qui l’était présentement de Monsieur le Prince, s’est poignardé.
Fouquet invite Louis XIV à Vaux-le Vicomte, François Vatel organise une fête somptueuse de 80 tables, 30 buffets, 5 services de faisans, cailles, ortolans perdrix avec de la vaisselle en or massif, 84 violons jouent la musique de Lully, Molière joue Les Fâcheux  à cette occasion. Pour le dessert, Vatel invente une surprise : la crème Chantilly. Louis XIV en proie à des difficultés financières et pas encore à Versailles est piqué au vif dans sa fierté, le roi fait arrêter Fouquet, François Vatel s’enfuit en Angleterre. Il est embauché ensuite par le Prince de Condé, un célèbre frondeur en son château de Chantilly.
Pour entrer en grâce près de Louis XIV, le Prince de Condé invite le roi et sa cour en son château. 3000 invités pénétrèrent  au château de Chantilly.Au deuxième jour de la réception, Vatel sous pression ne voit pas arriver la commande de poissons pour le jour même, se sentant déshonoré à ne plus pourvoir ses hôtes, il se suicide en se transperçant de trois coups d’épée. . François Vatel est également brisé par son rêve d’amour pour Mlle de Montausier, favorite du roi, d’autant plus que le Prince de Condé le joue aux cartes et le perd pour Louis XIV. 
François Vatel est mal considéré par les cuisiniers car en plus de ses dons d’organisation, il met la main à la pâte en surdoué de la gastronomie.
Sa vie est entourée de jalousie et d’abandon. Il aurait pu être au moins à deux reprises le grand organisateur des festivités de Louis XIV et il ne l’est pas par amour et fidélité. Il devient par sa mort choisie l’archétype du grand cuisinier, le mythe qui inaugure de la gastronomie francaise.
Cette tradition se perpétue alors jusqu’à la fin du dix-huitième siècle et atteint son apogée dans la cuisine d’Antonin Carême, le roi des cuisiniers, et sa pâtisserie de pièces montées extraordinaires.
La fin de l’ancien régime signe encore l’apparition du restaurant qui signifiait alors un bouillon à base de jus de viande.
A la révolution, les chefs laissés sans travail par l’exode de leurs maîtres ouvrent des restaurants où ils servent ces bouillons. Progressivement, les restaurants trouvent leur consécration à la place des tables de maîtres, une nouvelle corporation prend naissance : les critiques. La bourgeoisie du dix-neuvième siècle éprouva le besoin de mettre à l’affiche les repas par le menu ornementé par des peintres, graveurs ou dessinateurs renommés. Apparaît également le service « à la Russe », les plats en petit nombre sont présentés au fur et à mesure à la sortie de la cuisine. Enfin la littérature gourmande avec notamment la physiologie du goût par le professeur Brillat-Savarin.
L’empereur des cuisiniers, cité ainsi par Guillaume II, empereur d’Allemagne, Georges-Auguste Escoffier modernisa et codifia la haute cuisine raffinée créée par Antonin Carême et développa le concept de brigade en rationalisant la répartition des tâches.
Le cuisinier doit être propre, méticuleux, ne buvant pas, ne fumant pas, ne criant pas.
Il fut le collaborateur de César Ritz et sera le chef des cuisines du grand hôtel de Monte Carlo, du grand national de Lucerne, du Savoy, du Carlton de Londres et des hôtels Ritz à Paris et à New York. Il est le créateur entre autres de la pêche Melba, de la poire Belle-Hélène et des crêpes suzette.
La gastronomie moléculaire apparaît en 1988 comme discipline scientifique grâce à Nicholas Kurti et Hervé This. Une cuisine moléculaire s’inspirera de ses travaux. Déjà Lavoisier avait exploré les transformations culinaires. La gastronomie moléculaire étudie scientifiquement les phénomènes culinaires et non plus l’étude des aliments. Hervé This à la mort de Nicholas Kurti définira trois objectifs :
  • Explorer la composante technique de la cuisine.
  • Explorer la composante artistique de la cuisine.
  • Explorer la composante relationnelle de la cuisine.
De nombreux chefs s’inspirent de la gastronomie moléculaire : Pierre Gagnaire, Ferran Adria, Heston Blummenthal et Thierry Marx.
De grandes maisons comme la Tour d’argent et le Fouquet’s travaillent aujourd’hui avec un partenaire scientifique: Claude Costiou-Milopolsky ou Hervé This avec Pierre Gagnaire afin d’allier la tradition culinaire française et la science dans le but d’être à la pointe de la cuisine de demain.

HISTOIRE DE LA CUISINE:Un nouvel art de vivre - La France gastronomique - La modernisation


Le siècle débute sous l'âge d'or de la gastronomie où Paris est le centre créateur de la cuisine.
Sous le feu de l'exposition universelle, des grandes innovations, des premières automobiles, la première moitié du XXe siècle est marquée, malgré les deux guerres, par la liaison du tourisme et de la gastronomie.
Peu à peu se met en place une véritable industrie hôtelière. Ce faisant, les manières de table et le goût français deviennent le modèle international.
C'est au cœur de la France que l'on recherche et découvre désormais les trésors gastronomiques jusque-là quelque peu négligés.



 

Terrasse de l'hôtel Ritz - Paris 1908

Un nouvel art de vivre

  • La naissance du tourisme

Partant de Paris, où il est né, ce nouvel art de vivre rayonne sur la France, l'Europe et les Amériques selon un triple itinéraire aquatique : villes d'eaux, stations balnéaires et paquebots de ligne et de croisière.
Le développement rapide de l'automobile et des chemins de fer à partir des années 1900 réduit les distances et contribue à l'essor d'un tourisme naissant.
Palaces, casinos, théâtres s'érigent dans toutes les stations pour le plus grand plaisir de l'aristocratie européenne.
Cuisiniers, maîtres d'hôtel, directeurs de restaurant sont français ou de formation française.
A partir de ces palaces se propagent les manières de tables et l'ouverture de la première école hôtelière à Nice en 1915 va fixer les règles de service.
* Le service « à la Russe » ou au guéridon va s'adapter au restaurant avec des variantes.
* Le service « à la Française » se « modernise » où le serveur présente le plat au convive qui se sert lui-même.
* Pour le service « à l'Anglaise », le serveur passe les plats et sert lui-même les convives à l'aide d'une pince formée d'une fourchette et d'une cuillère.
Mais le raffinement et le rayonnement international de la grande cuisine Française a aussi ses détracteurs, comme l'académicien Marcel Prévost qui mène une croisade contre ce qu'il appelle le « Krach de la table ».
En somme ce qui choque certains, c'est le cosmopolitisme de la cuisine française, à une époque où le sentiment nationaliste s'intensifie : la guerre de 14-18 n'est pas loin.
  • Auguste Escoffier, le grand codificateur

A l'origine des grandes transformations en cuisine depuis la période de la Grande Guerre, en particulier dans l'ordonnance des menus et dans la préparation des plats, Auguste Escoffier innove en considérant qu'un bon repas devait être tout aussi agréable à déguster que léger à le digérer.
L'art culinaire, en ce début du XXe siècle, va grâce à lui, connaître un vaste mouvement de simplification, d'allégement et de développement des recettes.
Il dote la cuisine d'une classification sophistiquée, qui va permettre la multiplication du nombre de formules. Il a, le premier, limité la richesse des préparations et montré que la valeur gastronomique d'un plat n'était que le résultat de la qualité de ses matières premières, des connaissances techniques du cuisinier et de son amour pour le métier. Il a éliminé la farine des sauces, inventé les fonds et les glaces de viande.

Organisateur, face à l'exigence et au besoin de rationnaliser le temps, c'est lui qui a mis au point l'organisation des brigades de cuisine telles qu'elles existent aujourd'hui.
Dans son guide culinaire, il engage une restructuration de la cuisine classique pour "mieux l'adapter, dit-il, aux impératifs de la vie active de la clientèle de cette époque", continuant d'appliquer les principes qui ont valu à la France de devenir le pays de la gastronomie par excellence.
Après Escoffier, quel avenir pour le renouveau de l'art culinaire ? Dans la cuisine régionale !
Les guerres de 14-18 et de 39-45 privent les palaces de leur clientèle.
Les congés payés de 1936 permettent à de nombreux petits bourgeois et travailleurs de visiter la France et de découvrir ses régions.
 

C'ETAIT QUAND AU FAIT ?
Les hommes politiques :

Sous la 3ème République :
. 1899 - 1906 : Emile Loubet
. 1906 - 1913 : Armand Fallières
. 1913 - 1920 : Raymond Poincaré
. Février à Septembre 1920 : Paul Deschanel
. 1920 - 1924 : Alexandre Millerand
. 1924 - 1931 : Gaston Doumergue
. 1931 - 1932 : Paul Doumer
. 1932 - 1946 : Albert Lebrun
Sous la 4ème République :
. 1947 - 1954 : Vincent Auriol

Les innovations :
. 1900 : Premier Guide Michelin
. 1909 : Premier grille-pains par la compagnie Général Électrique
. 1925 : Première AOC fromagère : le Roquefort
. 1923 : Premier salon des Arts Ménagers
. 1928 : Invention du procédé de congélation par Clarence Birdeye
. 1928 : Naissance des magasins populaires
. 1948 : Premier libre-service de France
. 1949 : Premier journal télévisé
 
 

 
 LES GRANDS GOURMETS
DE CETTE PERIODE
 

Prosper Montagné et Prosper Salles, chefs et auteurs culinaires

Auguste Escoffier, le « roi des cuisiniers, le cuisinier des rois »

Edmond Richardin, critique gastronomique

Théodore Gringoire et Louis Saulnier, auteurs culinaires

Maurice Edmond Sailland dit Curnonsky, prince des gastronomes, chroniqueur et auteur culinaire

Edouard Nignon, cuisinier des célébrités de son temps

Henri-Paul Pellapras, chef de l'école "Le Cordon Bleu"

En descendant sur la Côte d'Azur

 
La cuisine d'André PIC des années 30

La France gastronomique

Les gastronomes découvrent avec passion la cuisine régionale.
Sur la nationale 7, les Parisiens fortunés prennent l'habitude de s'offrir des étapes de découvertes et de plaisir gastronomique.
Le premier guide Michelin est publié en 1900.
En 1912, le Club des Cent (une association gastronomique parisienne) s'est donné pour mission « de défendre en France le goût de notre vieille cuisine nationale, menacée par les formules chimiques importées de pays où l'on a jamais su préparer même une poule au pot ». Il souhaite avoir la « liste complète des seules bonnes auberges, des seules boites bien françaises où l'on mange de très bonne choses dans de la vaisselle propre avec du linge bien blanc ». Ce mouvement, amorcé avant la guerre de 1914, trouve son plein essor dans les années 1920.
Les étoiles de « bonnes tables » font leur apparition en 1923 dans le Guide Michelin.
Les confréries gourmandes se développent.
La gastronomie régionale est mise à l'honneur sous la plume de Maurice Edmond Sailland, dit Curnonsky (ici à droite), qui publiera de nombreux ouvrages à succès, dont l'un, en association avec Marcel Rouff, « La France gastronomique » en 28 volumes.

L'entre deux guerres voit donc le succès des tables provinciales, bientôt promues au rang de tables mythiques, comme celles d'Eugénie Brazier à Lyon (ici à gauche), d'Alexandre Dumaine à Saulieu, de Fernand Point à Vienne, d'André Pic près de Valence, de Raymond Oliver à Paris et de bien d'autres encore...
 

Cette première partie du siècle est aussi celle du triomphe de la cuisine bourgeoise, comme en témoigne le succès éditorial du « je sais cuisiner » de Ginette Mathiot, constamment réédité et actualisé depuis 1932.

        

            
           
    
C'est aussi l'époque où se développe et se diversifie la presse culinaire

La modernisation

La révolution industrielle de ce début de siècle transforme les habitudes alimentaires.
Des produits comme les farines, les huiles, le sucre, le vinaigre... autrefois fabriqués de façon artisanale vont l'être par des minoteries, huileries, raffineries... L'industrie agro-alimentaire élabore de nouveaux aliments ou condiments prêts à être mangés (moutarde, viandox, confitures, conserves de fruits et légumes...).
La banalisation des distributions d'eau, de gaz puis d'électricité vît l'émergence de la modernité. De simple pièce à vivre, « la » pièce de réception ne sera pas un salon comme dans la « haute » mais la salle à manger où des rituels sociaux vont s'instaurer.
A « l'art de la cuisine » chère au XIXe siècle, se substituent bientôt les «Arts Ménagers », qui tiennent salon à Paris dès 1923 au Grand Palais, et où un public aussi attentif que nombreux découvre les premiers réfrigérateurs domestiques (1923), les premières marmites à vapeur (1927), la cuisine au gaz et en particulier au gaz propane (1933) ou encore les robots ménagers (1936).
Les années 30 et 40 mèneront vers une inévitable simplification des menus.
Au début du XXe siècle, la boucherie et, plus tard, les épiceries "Félix Potin, on y revient" deviennent des endroits de plus en plus populaires, où les femmes peuvent se procurer des denrées.
En 1948, s'ouvre le 1er magasin en libre service "Goulet Turpin" rue André Messager, dans le 18ème arrondissement de Paris. Le succursaliste Goulet-Turpin fait office de pionnier devant des ménagères intriguées par ce concept révolutionnaire.
Quant aux bourgeoises de la ville ou de la campagne, elles confient la majeure partie des achats et des tâches ménagères à des domestiques et cuisinières.
Les repas se prennent selon les activités professionnelles principalement, alors que les grands événements (repas du dimanche, fête de Noël, repas de fiançailles..) maintiennent les traditions. En 1950, la cuisine quotidienne, la cuisine du marché demeure. Que ce soit en famille ou au restaurant, on cuisine longuement et quotidiennement au rythme des saisons des menus composés généralement de 3 ou 4 parties.


  
   
Une cuisine ménagère en 1935


"Les Arts Ménagers" au Grand Palais


1er magasin en libre service - Paris 1948


Les inventions, ainsi que le développement de l'industrie agro alimentaire conduisent à réduire le temps consacré à la préparation des repas : pour beaucoup, cuisiner cesse d'être une « corvée » pour devenir ce qu'on appelle aujourd'hui un « loisir créatif ».

HISTOIRE DE LA CUISINE: La vogue des restaurants - Vers un Art culinaire - Pour les autres... - 1900, la Belle époque


La révolution française a engendré en France de fortes mutations politiques, économiques et culturelles dès la fin du XVIIIe siècle. La révolution agricole et la mécanisation prennent leur essor, l'industrie se développe et la classe bourgeoise émerge. Dès lors, la cuisine et les arts de la table deviennent un signe d'appartenance social essentiel. Il est donc possible de distinguer au XIXe siècle trois types de cuisines : la cuisine bourgeoise, la cuisine des domestiques et la cuisine paysanne.
Le succès des restaurants n'est pas sans lien avec l'avènement d'une littérature gastronomique diffusant les formes et le fond de la haute cuisine contribuant à son 
rayonnement dans le monde.

La vogue des restaurants

Sous l'effet de la Révolution Française et de l'exil d'une partie de la noblesse, les cuisiniers talentueux exercent de moins en moins dans les « grandes maisons » et investissent des restaurants, aussi luxueux que renommés, un mouvement déjà amorcé à la fin du XVIIIe siècle.
La mode est lancée et n'échappe pas à la hiérarchisation sociale.
De 100 restaurants à la Révolution, ils passent à 600 sous l'Empire et à 3000 sous la Restauration.
Chacun prend plaisir à les fréquenter en fonction de ses moyens.

Les restaurants réputés de Paris, ceux « où l'on dîne », se situent autour du Palais Royal (Café de Chartes, actuel Grand Véfour), proposant une carte aux cinq cent propositions, les « Milles Colonnes », la Maison Chevet (meilleure table de l'époque créant une école de cuisiniers), la Maison Marion-Carême, le Café de la Paix fondé en 1822....
Les restaurants « où l'on mange », bien plus nombreux, se proposent aux appétits d'une population modeste préférant l'enseigne « cuisine bourgeoise » pour se régaler de bons plats traditionnels et économiques à l'image de « L'escargot de Montorgueil » fondé en 1832.
Encore meilleur marché, simple et bon, il existe une quinzaine de « bouillons » dont le premier fut crée en 1867 par un ancien boucher, Duval servant bœuf bouilli ou sa tête de veau vinaigrette.
A côté de ces restaurants, la table d'hôte en pension de famille ou en « maison bourgeoise » se côtoient pour le meilleur comme pour le pire.
  • La cuisine bourgeoise

La Révolution française a vu l'arrivée au pouvoir de « bourgeois triomphants ».
La nouvelle classe dirigeante s'est servie de la cuisine pour exprimer son pouvoir et son rôle dans la direction du pays. Dès lors, la cuisine et les arts de la table deviennent un signe essentiel d'appartenance sociale.
Sous l'influence de Carême, roi des cuisiniers, cuisinier des rois, et de ses disciples, cette cuisine luxueuse, fastueuse, décorative utilise et combine des produits rares et chers (foie gras, truffes, asperges, filet de bœuf, faisan, bécasse, langouste...).
Le XIXe siècle consacre la salle à manger en tant que pièce autonome pour prendre les repas : pièce spacieuse, décoration soignée, beau lustre, table en acajou...
Intégrant le savoir-vivre, les manières de table adoptent en fin de siècle le « service à la Russe » c'est à dire que les plats sont servis successivement et non simultanément.
Une grande attention est donnée aux services de la table avec une spécialisation des types de vaisselles (services à desserts, à thé, à café), de la verrerie fine, du cristal. Le linge de maison doit être d'un blanc impeccable, y compris pour les broderies. De plus, la bourgeoisie adopte l'argenterie fine en métal argenté que les domestiques doivent astiquer durant des heures afin de les polir et de les rendre brillants comme des miroirs.
Le repas bourgeois est synonyme d'abondance, de multiplicité et de diversité des mets, fondements de la tradition culinaire française.
  • Littérature gastronomique

Les succès des restaurants n'est pas sans lien avec l'avènement d'une littérature gastronomique diffusant les formes et le fond de la haute cuisine.
Dès le début du siècle, le décor est planté avec les premiers guides touristiques comme le « Guide des dîneurs de Paris » en 1815.
La littérature et le journalisme gastronomique qui se développent mettent sous le feu de l'actualité les restaurants. L'écrit gourmand et les écrivains de bouche apparaissent pour diffuser réflexions et créations littéraires.
GALERIE D'ILLUSTRES AINES
 


G. de la Reynière


A. Carême


J.A Brillat-Savarin


C. Durand



C. Monselet


J. Gouffé


A. Dumas


J. Favre
Grimaud de La Reynière, gourmand obsessionnel, est l'initiateur de la critique gastronomique. Il publie en 1802 la première édition de " l'Almanach des Gourmands", l'année suivante il crée les "Jury dégustateurs" qui légitimeront les plats reçus en les publiant dans l'almanach des Gourmands. Il est également l'auteur de plusieurs ouvrage dont notamment " Le Manuel des Amphytrions" en 1808 destiné explicitement à l'éducation à l'art de la table de la nouvelle bourgeoisie en plein essor.
Brillat-Savarin, gastronome et homme de lettre, auteur de « La physiologie du goût » en 1825, veut faire de l'art culinaire une véritable science. Il se livre à une analyse très poussée de la mécanique du goût.
Les premières chroniques apparaissent dans la presse quotidienne avec Charles Monselet et « Le Gourmet » : la bourgeoisie, grande comme petite, s'empare du fait.
Il faudra attendre le tournant du siècle, c'est-à-dire les années 1850, pour voir évoluer les livres de cuisine. On indique les temps de cuisson et le poids des aliments, l'iconographie se veut pédagogique.
Urbain Dubois, célèbre pour ses présentations sur socle, explique les difficultés de réalisations dans les moindres détails.
Cuisine qui ne cesse de se codifier et qui devient accessible à toutes les ménagères en faisant l'objet de nombreux succès d'édition. Les chefs et maîtres d'hôtel réglementent, écrivent les pratiques culinaires et prévoient pour l'avenir. Maître des buffets monumentaux, Carême ouvre la voie, suivi par Beauvilliers, Dubois, Gouffé qui montre une rigueur extrême dans la réalisation de ses recettes publiées dans « Le Livre de Cuisine ».
Dans cette continuité, Escoffier, au début du XXe siècle, sera le grand codificateur de la cuisine en publiant « Le Guide Culinaire » en 1901.

 


La vogue des restaurants

 
 
 
 
C'ÉTAIT QUAND AU FAIT ?

Les hommes politiques
Consulat - Premier Empire
. 1800 - 1814 : Napoléon Bonaparte
Restauration
. 1815 - 1824 : Louis XVIII,
. 1824 - 1830 : Charles X
Monarchie de Juillet
. 1830 - 1848 : Louis-Philippe Ier
2e République
. 1848 - 1851 : Louis-Napoléon Bonaparte : 1er président de la République
Second Empire
. 1852 - 1870 : Empereur Napoléon III 
Sous la 3e République
. 1871 - 1873 : Adolphe Thiers
. 1873 - 1879 : Patrice de Mac-Mahon
. 1879 - 1887 : Jules Grévy
. 1887 - 1894 : Sadi Carnot
. 1894 - 1895 : Jean Casimir-Perier
. 1895 - 1899 : Félix Faure

Les savants

. 1802 : Nicolas Appert, première usine de conserve
. 1811 : Delessert, extraction du sucre de betterave
. 1829 : Première locomotive à vapeur
. 1835 : Première cuisinière à gaz
. 1850 : Edmond Carré, premiers principes de réfrigération
. 1852-1870 : Halles de Baltard à Paris
(« Ventre » de Paris)
. 1865 : Pasteur, brevet de la pasteurisation
. 1875 : Mécanisation de l'agriculture (moissonneuse lieuse)
. 1879 : Siemens, brevet d'un four électrique
. 1879 : Edison, invention de l'ampoule électrique
. 1889 : Inauguration de la Tour Eiffel etExposition universelle
. 1891 : Première voiture automobilePeugeot
. 1894 : Auguste et Louis Lumière, projecteur de cinéma
. 1897 : Premières villes éclairées
 
 
 
 
 
 

 
DECOUVREZ LES GOURMETS
DE CETTE EPOQUE

Grimod de la Reynière : gourmet et homme de lettres
Alexandre Viard
Antonin Carême : grand Maître de la cuisine moderne
Antoine Beauvilliers : officier de bouche de Louis XVIII
- Jean-Anthelme Brillat-Savarin : gastronome et homme du monde
Charles Durand : cuisinier languedocien
Urbain Dubois : Chef de cuisine, artiste sculpteur et grand auteur culinaire
- Charles Monselet : critique, poète et gourmand
Jules Gouffé : cuisinier-pâtissier
Alexandre Dumas : écrivain
Joseph Favre : fondateur de l'Académie culinaire de France

 
 

Costumes parallèles du cuisinier
Ancien et Moderne en 1842


Dessert d'Antonin Carême



Présentations sur socle d'Urbain Dubois
 

 

Le saumon Chambord de Jules Gouffé

Vers un Art culinaire

  • En cuisine

. Sous l'influence de Carême et de ses disciples, la cuisine, qui était perçue comme une alchimie, puis comme une chimie dans les siècles précédents, se revendique comme une branche des beaux-arts.
Passionné d'architecture, il porta l'art de la pièce montée et du buffet monumental à leur apogée en créant des structures incroyables dignes de véritables cathédrales bâties au culte du sucré.
. Au XIXe siècle, le « potager » est progressivement remplacé par les nouveaux fourneaux en fonte (à droite).
Gratins, soufflés, pâtisseries sont désormais exécutés. Jules Gouffé dans son « Livre de cuisine » en 1867, décrit trois espèces de feux pour diverses natures de cuissons : le « feu de marmite » doux et continu pour le Pot-au-feu, le « feu de grillade » qui doit toujours être égal, le « feu de rôti » feu soutenu. Le braisage et le poêlage font leur arrivée.

. La conservation des aliments va connaître une véritable révolution avec le procédé de conservation de Nicolas Appert en début de siècle qui consiste à stériliser par la chaleur des denrées périssables dans des contenants hermétiques (boîtes métalliques, bocaux...).
La fin de la décennie verra les boites de bœuf bouilli, de tomates, de petits pois, d'asperges, d'ananas, de truffes....
  • Dans les recettes

Sous l'impulsion de Grimod de la Reynière et des jurys dégustateurs, l'usage des appellations, démarré par Massialot au XVIIe siècle se généralise.
On retrouve des appellations culinaires liées aux grands noms de la cuisine comme « les filets de sole à la Dugléré », ou « sauce à la Soubise », liées aux gens des arts et lettres et de l'aristocratie comme le « tournedos Rossini » ou «filets de lapereaux à la Berry », « poulet à la Marengo ». Les nombreuses appellations de lieux, de villes, de pays vont démultiplier le nombre de recettes.
Dans les plats : le produit doit être respecté et mangé à son point de succulence maximum.

Antonin Carême, père de l'esthétisme culinaire, donne le ton pour exécuter du bon, de l'exquis et présenter des mets pour qu'ils soient « attrayants, appétissants et qu'ils charment au triple point de la vue, du goût et de l'odorat ».

Les mets sont embellis avec des « hâtelets » (petites broches  photos de gauche) puis harmonieusement intégrés dans un assortiment de plats de couleurs et de tailles différentes, disposés sur des buffets pyramidaux.
Le XIXe siècle est l'âge d'or de la pomme de terre. Boudée jusque là, elle devient une des perles du trésor gastronomique français, notamment avec la recette de la pomme de terre soufflée (à droite).
Concernant les desserts, les gâteaux deviennent incontournables pour les grandes occasions.
La confiserie prend également un essor considérable atteignant le stade industriel dès la seconde moitié du XIXe siècle.
Le sucre de canne, présenté sous forme de pain de sucre a déjà remplacé le miel depuis le XVIIIe siècle. Le miel reste tout de même un aliment essentiel. Il est très utilisé pour la confection de pâtisseries et de confiseries et pour ses substances bénéfiques à la santé.

Pour les autres...

Pour les masses populaires, les céréales et notamment le pain, sont encore la base des repas au XIXe siècle.
Le pain est sacré, la soupe est consommée à tous les repas de la journée, sauf au goûter, la pomme de terre est un légume sauveur, le vin une boisson très recherchée, la viande de boucherie un luxe quasi inaccessible, le gâteau le seul et vrai dessert.
Devenir servante au XIXe siècle est synonyme « d'entrer en condition », c'est-à-dire d'accéder à un certain statut social et d'avoir de meilleures conditions de vie.
Les domestiques ne mangent pas dans la même pièce que les maîtres bourgeois et ne bénéficient pas non plus de la même nourriture, leur service de table est sommaire.

La population paysanne a souvent faim, même au XIXe siècle et vit souvent de tragiques périodes de disette. Leur alimentation est saisonnière et fortement déséquilibrée, en relation étroite avec le succès des récoltes.

L'invention du fourneau en fonte chauffé au charbon, puis l'introduction du froid en cuisine pour la conservation des aliments modifient en profondeur les pratiques culinaires.
Le XIXe siècle est celui de la naissance de l'industrie agro alimentaire, premières conserveries, apparition du sucre de betterave, premières laiteries industrielles, invention de la margarine, développement de marques nationales, tant dans le domaine de l'industrie que dans celui de la distribution, annonçant de nouvelles habitudes industrielles qui se développeront au XXe siècle.

Gastronomie, gastronomes sont en place, l'heure est à la prouesse culinaire : comment servir 20000 ou plus de convives, dans le cadre d'un banquet républicain ?
 
Sommaire : Mon ancre - Mon ancre -

 

1900 : la Belle époque !

Le banquet des maires de 1900 est un gigantesque banquet qui se tint à Paris le 22 septembre 1900 et où furent conviés l'ensemble des maires de France.
Organisé à l'initiative du président de la République Émile Loubet et de son président du Conseil Waldeck-Rousseau à l'occasion de l'exposition universelle de 1900 qui eut lieu à Paris du 14 avril au 12 novembre, il réunit 22 965 convives qui répondirent à l'invitation.
Dans le jardin des Tuileries, furent dressées deux immenses tentes reliées entre elles par des tentes perpendiculaires.

Les convives furent classés par département et par ordre alphabétique.
Selon le vœu du président de la République, le repas ne dura pas plus
de 90 minutes...
Le matériel nécessaire : 700 tables de 10 mètres de 32 à 36 couverts, soit 7 kilomètres, 10 km de nappes molletonnées, 7 km de molletons, 7 km de nappes, 125 000 assiettes, 55 000 fourchettes, 55 000 cuillères,
60 000 couteaux, 126 000 verres.
Six bicyclettes furent prévues pour transmettre rapidement les ordres de service. De même, une automobile (De Dion-Bouton de 4 CV) permettait de circuler entre les tables.
Le personnel : 3 000 personnes furent employées pour la cuisine et le service : 11 chefs « gros bonnets », 220 chefs de partie, 400 cuisiniers,
2 150 maîtres d'hôtel, 50 préposés aux vestiaires.
Le menu : Hors-d'œuvre - Darnes de saumon glacées parisienne -
Filet de bœuf en Bellevue - Pains de canetons de Rouen - Poulardes de Bresse rôties - Ballotines de faisans Saint-Hubert - Salade Potel -
Glaces Succès/Condés - Dessert.
Les vins : 39 000 bouteilles dont 1 500 de Fine Champagne furent utilisées : Preignac servi en carafe - Saint-julien servi en carafe - Haut Sauternes - Beaune Jean Calvet 1887 - Champagne Montebello.
Le personnel ne fut pas en reste puisqu’il eut droit à 3 000 litres de...     
« gros rouge ».




Un banquet d'une grande prouesse technique
 

Maîtres d'hôtel au service

L'exposition universelle de Paris du 15 avril au 15 novembre 1900 a accueilli plus de 50 millions de visiteurs

Articles

HISTOIRE DE LA CUISINE: La cuisine des lumières - A la cour et chez les bourgeois - La révolution française


Le XVIIIe siècle est hanté par l'idée constante de progrès. Celle-ci gouverne aussi bien la pensée que les arts. La cuisine n'y échappe pas.
Si le XVIIe siècle a été incontestablement celui du renouveau culinaire, le XVIIIe est celui de l'innovation et de l'ingéniosité : la cuisine devient une science et l'on n'hésite pas à parler de nouvelle cuisine pour l'opposer à l'ancienne.
Le temps d'une paix relative, de grands changements vont s'opérer dans les mentalités, le bon goût, l'art de recevoir, l'utilisation et la diversification des aliments, l'aménagement et la structure des cuisines.

Déjeuner d'huîtres
au château de Chantilly en 1735

La cuisine des lumières

  • Vers une nouvelle cuisine

Dans les grandes cuisines règne une querelle sans merci, qui divise toujours avec autant d'âpreté les Anciens et les Modernes. Pour ces derniers, seules comptent la simplicité et la pureté "naturelles".
En réalité, cette cuisine nouvelle exige un travail extraordinaire et, dans les plats, se mêlent quantités de saveurs, peut-être "naturelles" au départ, mais dont le résultat est d'une extrême complexité.
Les ingrédients sont de plus en plus luxueux, les mélanges de base fort chers et compliqués, et les combinaisons de plus en plus recherchées. On parle beaucoup de théorie dans les cuisines.
Tous les cuisiniers de l'époque sont d'accord pour faire table rase de l'encombrante cuisine des siècles précédents.
  • A la recherche de la quintessence

La recherche alchimique pour dégager ce qu'il y a de meilleur et de plus raffiné anime les cuisiniers du XVIIIe siècle.
La préface des « dons de Comus ou les délices de la table » de François Marin, écrite semble-t-il par deux frères Jésuites, est de ce point de vue particulièrement significative : « La science du cuisinier consiste à décomposer, à faire digérer et à quintessencier les viandes ; à tirer des sucs nourrissants et pourtant légers, à les mêler et à les confondre ensemble, de façon que rien ne domine et que tout se fasse sentir ; enfin, à leur donner cette union que les peintres donnent aux couleurs et à les rendre si homogènes, que de leurs diverses saveurs il résulte qu'un goût fin et piquant, et si j'ose le dire, une harmonie de tous les goûts réunis ensemble".

Le bouillon reste "l'âme des sauces"

Les mélanges de saveurs sont plus nuancés. Les câpres, les anchois, les agrumes et les parfums orientaux déclinent au profit notamment du champagne, né à cette époque. Les aromates et épices sont utilisés à des doses infinitésimales.
Vont apparaître les fumets et les essences. Les premiers peuvent être d'écrevisses, de truffes, de champignons ; les seconds, de jambon, d'ail ou d'oignons.
Les blonds ou quintessences de veau sont des jus améliorés qui, à l'instar de ceux-ci, visent à extraire le suc de la viande en la rissolant dans du beurre et en déglaçant le fond de la casserole où elle a cuit avec un bouillon corsé.
Enfin, le roux (préparation plus ou moins liquide à base de farine et de beurre) demeure l'indispensable catalyseur de tous les fonds.
  • Au menu de l'époque

Les garnitures sont plus que jamais de mise. Leur composition, comporte des produits très raffinés : foies gras, truffes, écrevisses, huîtres, morilles, ris de veau et, bien sûr, crêtes et rognons de coq, devenus incontournables.
De nouveaux plats font leur apparition au milieu du XVIIIe siècle tels les « chaud-froid », le pâté de foie gras d'Alsace, les produits d'Outre-mer notamment le sucre de canne, et en Normandie, une certaine Marie Harel, dans son village de Camembert, prépare un fromage qui fera les délices du monde entier.
L'avènement de la pomme de terre devra attendre la fin du siècle pour devenir nourriture gastronomique.
Le fruit triomphe (ananas en particulier), cru présenté en pyramide ou en corbeille.

Un des plus anciens menus connus dans le monde
dessiné en 1751 par Brain de Sainte-Marie pour Louis XV

C'est aussi le succès des confitures désignant compotes, gelées, fruits confits ou en pâte ainsi que de la meringue.
Le cuisinier des Lumières devient un médecin qui agit sur la santé de ses convives, en rendant la nourriture plus digeste et plus saine.
Inventer de nouvelles recettes et cuisiner devient même un passe temps aristocratique.
Le Roi Louis XV lui-même aimait à préparer des « œufs en chemise à la fanatique », du « poulet au basilic », ou encore des « pâtés aux mauviettes » (aux alouettes). La duchesse de Berry, « des filets de lapereaux à la Berry », Madame de Pompadour, « des filets de volailles à la Bellevue »...
 
C'ETAIT QUAND, AU FAIT ?

Les Rois :
. 1715 - 1723 : La Régence
. 1723 - 1774 : Louis XV « Le Bien Aimé »
. 1774 - 1792 : Louis XVI
. 1789 - 1799 : La Révolution

Les Savants :
. 1714 : invention du degré Fahrenheit
. 1742 : invention du degré Celsius
. 1751 : invention d'une « machine à pétrir le pain » par Solignac
. 1778 : travaux de Lavoisier sur l'oxygène et le système métrique
. 1785 : première voie ferrée en France au Creusot
. 1791 : premier télégraphe des Frères Chappe entre Paris et Lille
. 1795 : invention de l'appertisation par Nicolas Appert

 
LES GOURMETS

Vincent la Chapelle : officier à la Cour de Louis XV, auteur du « Cuisinier moderne »
en 1735

François Marin : cuisinier et maître d'hôtel publie « Les Dons de Comus ou les Délices de la table » en 1739

Menon : auteur de « les soupers de la Cour »et « La Cuisinière bourgeoise » en 1749



Antoine Parmentier
pharmacien, agronome publie des mémoires sur la culture de la pomme de terre





Festin donné à Paris en 1710
par le Duc d'Albe

Souper aristocrate

Le Procope :
le plus vieux restaurant de Paris

A la Cour et chez les bourgeois

Affaire d'hommes spécialisés (cuisiniers, pâtissiers, confiseurs...), cette haute cuisine se développe à la cour de Louis XIV, de Louis XV, de Louis XVI et chez les plus grands aristocrates, puis dans les riches demeures particulières.
  • Festin à la Cour

L'installation de la cour de France à Versailles vers la fin du XVIIe siècle jusqu'à la Révolution de 1789 voit l'apogée du « Grand service à la Française », du décorum et des « brigades » de serviteurs.
Le Régent, Philippe d'Orléans (ici à droite), introduit la mode des « petits soupers » et promeut le Champagne.
Louis XV est friand des « repas privés » où le choix des convives, la discrétion des domestiques (réduits au minimum), la forme de la table ronde ou ovale, l'utilisation fréquente après 1750 de services en porcelaine opposent ces soupers aux repas officiels.
Louis XVI et Marie-Antoinette inaugurent les « repas de société » auxquels sont conviés une quarantaine de personnages remarquables par leur condition ou par leur mérite. Dans la nouvelle salle à manger du Petit Appartement, on utilise alors, en alternance, un service d'orfèvrerie et le plus beau service de porcelaine réalisé à Sèvres.
  • Dîner aristocratique et bourgeois

Chez les aristocrates, la cuisine est d'un raffinement et d'un luxe extrême exigeant une main d'œuvre très spécialisée pour les menus d'apparat pouvant comporter 4 services.
Des maisons bourgeoises va émerger une cuisine dite « bourgeoise » puis « régionale » pratiquant une cuisine de compromis en simplifiant et diminuant plats et ingrédients. Aspirant à toujours plus de raffinement, la bourgeoisie va s'inspirer de l'aristocratie s'aidant d'ouvrages culinaires comme
« La Cuisinière bourgeoise » de Menon en 1746. L'aristocratie éclairée ne dédaigne pas cette cuisine bourgeoise soit par souci de santé soit sous l'influence de « nouvelles idées » par souci d'égalité. Le XVIIIe siècle voit apparaître la salle à manger dans les maisons aristocratiques et bourgeoises avec décorum, table ronde ou ovale. Vers 1750, les couverts de tables trouvent leur forme définitive.
La table accueille nombres d'ustensiles nouveaux : la louche (« cuillère à pot »), les cuillères à sel, à moutarde, à condiments, à sucre... ainsi que la saucière, le moutardier, l'huilier, le beurrier, le sucrier. La faïence commence à concurrencer l'orfèvrerie.
  • La naissance des restaurants

Le Procope, ouvert en 1674, va ouvrir la voie aux « idées nouvelles ».
Café d'artistes et d'intellectuels, il était fréquenté au XVIIIe siècle par Voltaire, Diderot et d'Alembert. Centre actif durant la Révolution française, il reste longtemps un lieu de rencontre d'écrivains et d'intellectuels (Musset, Verlaine, Anatole France), d'hommes politiques (Gambetta) et le Tout-Paris, on y sert café, thé, chocolat accompagné de pâtisseries, confitures de toutes sortes et surtout des boissons glacées et sorbets.
Devenus lieux d'information, de discussion, les cafés se multiplient pour en compter en 1721 pas moins de 300 dans Paris.
La mode des « restaurants » va naître en 1765 avec l'ouverture du « Champ d'Oiseaux » par un cafetier nommé Boulanger, une sorte de petit cabaret dans la rue des Poulies (aujourd'hui rue du Louvre), où il est servi sur table individuelle, à toute heure du jour, des bouillons, des mets délicats comme le chapon au gros sel, les biscuits du Palais Royal, fruits de saison, le fromage à la crème. Jusque-là, les auberges et les tavernes proposaient plutôt un plat sur table d'hôte, à heures fixes. N'étant pas traiteur, il n'a pas encore le droit, à cette époque, de vendre ragoût ou plat en sauce.
Il faudra attendre l'abolition des corporations des métiers de bouche en 1776 pour connaître le restaurant que nous connaissons aujourd'hui avec l'ouverture par Antoine de Beauvilliers en 1782 du premier établissement digne de ce nom.
En 1786, les « Frères Provençaux » serviront bouillabaisse et brandade de morue aux senteurs d'ail et huile d'olive.

1789 : la révolution française

La Révolution française avec l'abolition des privilèges va avoir une grande influence sur la gastronomie.
Les grands cuisiniers, jadis au service de la noblesse, doivent s'exiler avec leurs maîtres ou imaginer une reconversion en France : louer leurs services dans les « nouvelles » maisons bourgeoises, ouvrir leur propre restaurant.
Les restaurants fréquentés par les nouveaux riches de la Révolution se multiplient.
En 1781, un ancien cuisinier du prince de Condé ouvre un établissement dans un décor luxueux, vaisselle princière pour offrir une cuisine des plus recherchée.
Celui-ci propose aux clients de manger à de longues tables. Le service à table : les plats, au lieu d'être présentés sur la table au moment de l'arrivée des convives, étaient apportés de la cuisine au fur et à mesure du déroulement du repas, puis présentés individuellement à chacun.
La haute cuisine est descendu dans la rue, les grands chefs ont des restaurants, et n'importe quel citoyen fortuné peut manger comme le faisaient les grands aristocrates disparus.
Epoque enthousiaste, voire tragique, où se côtoient festins et famines, les dirigeants révolutionnaires sont souvent de fameux gourmands. Même chez les condamnés, on festoie !
Lorsque s'éloignent enfin les horreurs de la Terreur, l'on assiste à une frénésie de gourmandise et de plaisir : la France se remet à vivre.


Exécution de Louis XVI


Restaurateur des sans-culottes - 1790
Les clients mangent à de longues tables

Sous la double influence de la vie de cour devenue de plus en plus fastueuse, raffinée et le travail des alchimistes-cuisiniers vers la perfection, les principes de base sont posés pour permettre le développement du « grand Art de la cuisine classique française » du XIXe siècle.